Bernanos
L'histoire de la Tour décrit ce désir humain de pénétrer les cieux, en somme de remplacer Dieu. Elle est la réédition du récit du paradis où l'homme et sa femme voulaient aussi devenir comme Dieu (Gn 2-3). Il est remarquable que dans la description du projet humain (vv. 1-4) il n'y a aucune référence à Dieu, c'est un de ces projets, comme on en trouve partout au monde, qui veut montrer que l'être humain peut tout faire. Mais comme on le voit aussi partout, tôt ou tard ces projets aboutissent à la confusion, à la dispersion. Il me semble qu'on peut facilement comprendre l'origine de cette histoire de la Tour par la comparaison suivante. Imaginez quelqu'un d'un petit village de la province du Québec qui ne parle que le Français et qui gagne un voyage à New York. Quelle pourrait bien être son impression sur place et quel serait son rapport en rentrant? Il a vu cette ville immense, avec ses immeubles en hauteur; par ailleurs, il a été aussi frappé par le fait qu'il ne comprenait pas les gens, il a entendu toutes sortes de langues, il juge peut-être aussi que la ville est sale et dangereuse. Non, il n'a aucun désir de vivre dans une telle ville de confusion, Dieu merci d'être rentré dans son village où il connaît tout le monde. L'auteur du récit biblique a une impression semblable de la grande ville de Babylone, la ville orgueilleuse dans la Bible. Si vous prenez le temps de lire le chapitre précédent, vous trouverez quelque chose de plutôt surprenant encore. On y énumère les peuples de la terre, les descendants des trois fils de Noé. Après la descendance de Japhet le texte dit : « Tels furent les fils de Japhet, d'après leurs pays et chacun selon sa langue... » (v. 5). Lisez la même chose aux vv. 20.31. Il est dit clairement, à trois reprises, que les peuples du monde parlent des langues différentes. Et alors, tout d'un coup, l'histoire de la Tour de Babel ouvre par: « Tout le monde se servait d'une même langue... » (v. 1). Nous sommes en