Bergson
Bergson, Conférence de Madrid sur l'âme humaine - in "Mélanges" (1885-1892), P.U.F
«Qu'est-ce que l'artiste? C'est un homme qui voit mieux que les autres, car il regarde la réalité nue et sans voiles. Voir avec des yeux de peintre, c'est voir mieux que le commun des mortels. Lorsque nous regardons un objet, d'habitude, nous ne le voyons pas ; parce que ce que nous voyons, ce sont des conventions interposées entre l'objet et nous; ce que nous voyons, ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l'objet et de le distinguer pratiquement d'un autre, pour la commodité de la vie. Mais celui qui mettra le feu à toutes ces conventions, celui qui méprisera l'usage pratique et les commodités de la vie et s'efforcera de voir directement la réalité même, sans rien interposer entre elle et lui, celui-là sera un artiste.»
Questions
1 . Quelle définition Bergson donne-t-il de l'artiste? Comment l'établit-il?
2. a. Qu'est-ce qui fait obstacle, chez le «commun des mortels» à la vision de «la réalité même»? b. Pourquoi avons-nous besoin de «reconnaître l'objet»? Comment faut-U comprendre ici le mot de «pratique»? c. Pourquoi les signes «qui nous permettent de reconnaître l'objet et de le distinguer pratiquement d'un autre» sont-ils dits «conventionnels»?
3. L'art est-il étranger à la réalité quotidienne?
BIEN LIRE LE TEXTE
I> Le texte, comme souvent chez Bergson, est écrit dans une langue très simple et d'un abord très naturel. Il faut être de ce fait très attentif car la simplicité apparente de l'expression expose le commentaire au risque de la banalité. Pour éviter la paraphrase et l'enfoncement de portes ouvertes, il faut identifier derrière le mot banal de «voile» la référence à la problématique classique du dévoilement ; dans l'expression «signes conventionnels», il faut reconnaître l'appareil du langage ; dans l'adjectif courant «pratique», l'usage philosophique qui