Belle du seigneur
Aussitôt réveillée, elle courait ouvrir les volets et voir au ciel s’il ferait beau ce soir. Oui, il ferait beau, et il y aurait une nuit chaude avec beaucoup d’étoiles qu’ils regarderaient ensemble, et il y aurait du rossignol qu’ils écouteraient ensemble, elle tout près de lui, comme la première nuit, et ensuite ils iraient, iraient se promener dans la forêt, se promener en se donnant le bras. Alors, elle se promenait dans sa chambre, un bras arrondi, pour savourer déjà. Ou bien, elle tournait le bouton de la radio, et si c’était une marche guerrière déversée de bon matin, elle défilait avec le régiment, la main à la tempe, en raide salut militaire, parce qu’il serait là ce soir, si grand, si svelte, ô son regard.
Parfois, elle refermait les volets, tirait les rideaux, fermait à clef la porte de sa chambre, mettrait des boules de cire dans ses oreilles pour n’être dérangée par les bruits de dehors, bruits que cette belle pédante appelait des réducteurs antagonistes. Dans l’obscurité et le silence, couchée, elle fermait les yeux pour se raconter, souriante, ce qui s’était passé hier soir, tout ce qu’ils avaient dit et tout ce qu’ils avaient fait, se le raconter, blottie et ramassée, avec des détails et des commentaires, s’offri une fête de racontage à fond, comme elle disait, et puis se raconter aussi ce qui se passerait ce soir, et il lui arrivait alors de toucher ses seins.
Parfois, avant de se lever, elle chantait tout bas, tout bas pour n’être pas entendue par la domestique, chantait contre l’oreiller l’air de la Pentecôte de Bach, remplaçait le nom de Jésus pas le nom de l’aimé, ce qui la gênait, mais c’était si agréable. Ou encore, elle parlait à son père mort, lui disait son bonheur, lui demandait de bénir son amour. Ou encore elle écrivait le nom de