Qu'est-ce que la philosophie ?" que tard, quand vient la vieillesse, et l'heure de parler concrètement. En fait, la bibliographie est très mince. C'est une question qu'on pose dans une agitation discrète, à minuit, quand on n'a plus rien à demander. (Auparavant...) on avait trop envie de faire de la philosophie, on ne se demandait pas ce qu'elle était, sauf par exercice de style ; on n'avait pas atteint à ce point de non-style où l'on peut dire enfin : "Mais qu'est-ce que c'était ce que j'ai fait toute ma vie ?" » Ce que Gilles Deleuze pense avoir fait toute sa vie, en tant que philosophe, est de créer des concepts. C'est dire encore que « les concepts ne nous attendent pas tout faits, comme des corps célestes. Il n'y a pas de ciel pour les concepts, ils doivent être inventés, fabriqués ou plutôt créés, et ne seraient rien sans la signature de ceux qui les créent ». La philosophie n'est donc pas une contemplation mais une activité, dont le premier acte est de créer des néologismes : il s'agit là d'une nécessité, qui relève certes d'un « athlétisme philosophique », mais en rien gratuite, car le philosophe crée ainsi un lieu, un sol où son concept va se déployer, en lui échappant. Car le concept est autoréférentiel, il ne renvoie ni à un auteur qui s'incarnerait en lui, ni ne s'applique à une « réalité », si cela veut dire à une perception naïve de ce qui est.