Baudelaire& autres
Tristesses de la lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil. Charles Baudelaire.
Il pleure dans mon cœur
Il pleure dans mon cœur,
Comme il pleut sur la ville,
Quelle est cette langueur,
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie,
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison,
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine,
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine ! Paul Verlaine.
Sensation
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme. Arthur