Bartleby
Cette nouvelle de Melville relève d’une expérience de lecture tout à fait particulière. Le lecteur découvre peu à peu que le copiste Bartleby, qui est le personnage principal et éponyme, est un être étrange et impénétrable. Lorsqu’il obtient un poste en tant que copiste, il réalise son travail avec une application et une efficacité hors du commun, et pourtant, dès que son patron, le narrateur, lui demande de réaliser une tâche autre que la copie, il répond : « J’aimerais mieux pas« . Cette formule absolument dévastatrice laisse tout le monde dans l’interrogation. Le patron ne sait s’il doit renvoyer Bartleby pour son refus d’obéir ou s’il doit tenter de le faire obéir d’une autre façon. Personnage insaisissable, Bartleby consacre pourtant toute son existence au travail comme nous le découvrons quand nous lisons qu’il vit en réalité dans les locaux où il travaille. Plus les refus se multiplient, plus le patron entre en colère et tente de se calmer. Bartleby est bel et bien une énigme à lui tout seul : comment faut-il alors réagir face à un tel fantôme ? Le patron décide de changer de locaux et laisse Bartleby dans l’ancien immeuble. En apprenant que Bartleby a fini en prison, chassé par les nouveaux locataires, le patron lui rend visite. Bartleby est décharné, vit sans manger et semble attendre la mort, comme Job. Il est en cela l’homme de la solitude et du malheur.
La nouvelle est écrite avec beaucoup d‘humour, dans la présentation des personnages tout d’abord mais aussi dans les situations. Peu à peu, le lecteur rit de la répétition de cette phrase que l’on finit par désirer lire : « J’aimerais mieux pas ». Mais Melville rend sa nouvelle particulièrement riche en ce qu’il crée un balancement constant entre ironie et pathétique. Bartleby est l’objet de la compassion de son patron, il est l’homme à plaindre. Le patron sait que s’il renvoie Bartleby, ce dernier risque de finir à la rue, tel un vagabond esseulé. C’est parce que cette pitié est toujours