balzac visionnaire
Eloge de la folie
Le plus grand des penseurs humanistes, le Hollandais Érasme (1469-1536) a beaucoup influencé les hommes de son temps par ses multiples ouvrages. Rabelais, par exemple, lui écrit en 1532 : « Le peu que je suis et tout ce que je peux valoir, je l'ai reçu de vous seul ».
Érasme est moine, mais il quitte son couvent pour devenir secrétaire de l'évêque de Cambrai (1493), qui l'autorise à se rendre à Paris, en 1495, dans la communauté des étudiants pauvres du collège
Montaigu. C'est à ce moment qu'il rencontre les savants humanistes français qui vont le faire connaître dans toute l'Europe; mais c'est aussi dans ce collège qu'Erasme découvre avec effroi l'enseignement traditionnel, dont il souffre énormément: les maîtres ne sont pas toujours très intelligents, font beaucoup apprendre par cœur et mènent les élèves selon une discipline cruelle; les conditions de vie matérielles sont extrêmement pénibles, et les conditions de vie intellectuelles ne sont pas plus satisfaisantes.
Érasme se sert de l'expérience qu'il a vécue pour rédiger, en 1509, un ouvrage parodique: l'Eloge de la folie, écrit en latin (la langue universelle de l'époque). Il fait tenir à son personnage, Folie, une série de discours sur les « adeptes» qu'elle a en ce monde; au rang de ses plus fidèles serviteurs, elle place les professeurs de grammaire (professeurs du niveau secondaire enseignant le latin) ; le portrait ainsi peint par Érasme est ironique et féroce.
C'est Folie qui tient elle-même le discours qui suit.
Au premier rang sont les grammairiens, race d'hommes qui serait la plus calamiteuse, la plus affligée, et la plus accablée par les dieux, si je ne venais atténuer les disgrâces de leur malheureuse profession par une sorte de douce folie. Ils ne sont pas simplement cinq fois maudits, c'est-à-dire exposés à cinq graves périls, comme dit une épigramme grecque 1 :