Balzac et la petite tailleuse chinoise
CHAPITRE I
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Le récit commence un soir de 1971 dans un petit village de la montagne du « Phénix du Ciel ». Le narrateur et son ami Luo y ont été envoyés comme tant d’autres « jeunes intellectuels » afin d’y être « rééduqués » par les paysans pauvres, selon la règle instaurée par le régime communiste. Parce qu’ils sont en outre les fils de « puantes autorités savantes », ils ont peu de chances de voir un jour se terminer cette rééducation, qui pour les autres ne dure pas plus de deux ans. Plusieurs mois après leur arrivée, ils font la connaissance de la fille du tailleur de la montagne, qu’ils surnomment « la Petite Tailleuse ». Ils ont presque le même âge et sympathisent d’emblée ; le narrateur soupçonne même son ami d’en être tombé amoureux, mais celui-ci lui rétorque qu’elle n’est pas assez civilisée pour lui. Peu après cette rencontre, la jeune fille écrit à Luo pour inviter les deux jeunes gens à donner dans son village une séance de « cinéma oral », leur spécialité. À leur arrivée, Luo est en pleine crise de paludisme et la jeune fille le veille toute une nuit durant laquelle le narrateur pense, dans l’obscurité, la voir l’embrasser. Sur le chemin du retour, les deux protagonistes font halte dans le village du Binoclard, lui aussi en rééducation. Alors qu’il cherche un pull dans la chambre de ce dernier, le narrateur découvre sous le lit une valise fermée à clé. Le narrateur et Luo interrogent le Binoclard sur son contenu, persuadés qu’il doit s’agir de livres interdits par le régime, ce que le Binoclard dément.
CHAPITRE II
Au printemps, le Binoclard est contraint d’accepter l’aide des deux amis pour effectuer une tâche que sa myopie ne lui permet pas d’accomplir, et ce en échange de l’un des livres contenus dans sa valise : Ursule Mirouët, de Balzac. Tous les livres occidentaux étant interdits en Chine, le narrateur et Luo n’ont jamais eu l’occasion d’en lire et dévorent celui-là avec fascination et enthousiasme. Aussitôt sa lecture