Bac Pro
Horizon indépassable, «l'art aussi atteint à cet état céleste qui ne garde plus rien de personnel ni de rationnel». Mais il peut répondre aussi à une sollicitation plus concrète: «On n'écoute pas assez ce que disent les peintres.» La relation que Deleuze entretenait avec l'art était à la fois de nécessité et de contingence.
Très au fait des avancées de l'art contemporain (il évoque en 1981 les «sculptures planes de Carl Andre, fibres de Ryman, feuilletés de Barré, strates de Bonnefoi»), il est capable de capter des événements imperceptibles pour les inscrire dans une vision panoramique («A travers les siècles, bien des choses font de Bacon un Egyptien»). Dans son dernier ouvrage, il récuse l'art-archéologie au profit d'un art-cartographie dont il repère les effets dans des expériences telles que l'art des chemins mis en place par Georges Descombes et Carmen Perrin pour la manifestation intitulée la Voie suisse, l'itinéraire genevois, ou encore les expérimentations d'une nouvelle sculpture aux centres de Vassivière et du Crestet. Sa réflexion sur l'art se nourrit ainsi d'informations de première main.
Ce qui restera néanmoins le point d'orgue de ses préoccupations esthétiques est rassemblé dans un livre consacré au peintre irlandais Francis Bacon. Il y produit une démonstration éblouissante qui fait de cet essai un modèle de critique d'art. S'appuyant sur quelque 80 toiles qu'il scrute parfois jusqu'au moindre détail de facture, il développe une analyse qui, enjambant l'histoire de l'art à grands pas, condense les caractéristiques de ces tableaux en trois traits fondamentaux: l'armature, la Figure et le contour.
Le chiffre trois apparaît aussi dans la solution proposée pour contourner le problème de la figuration. Deleuze récuse d'abord deux attitudes. La première est l'abstraction géométrique d'un Mondrian et la deuxième l'expressionnisme abstrait d'un