1960/2010 : ce livre entend décrire et éclairer un demi-siècle dont on postule qu’il a vu, au plan mondial, des transformations profondes des pratiques artistiques et des rapports que les contemporains peuvent entretenir avec les formes de création qui leurs sont contemporaines. Il est aisé de mesurer l’étendue des changements si l’on songe que vers 1960, peu de temps après la mort de Matisse et Léger et alors que Picasso, Braque, Ernst, Miró, Dalí ou Villon sont encore actifs, l’art paraît dominé, d’un part, par ces survivants des grandes avant-gardes de la première moitié du siècle, qui jouissent enfin de la reconnaissance générale qui leur a été refusée des décennies durant ; et d’autre part, par les différentes manières de l’abstraction, qui semblent avoir trouvé à New York leur meilleur centre et s’incarnent, après la disparition spectaculaire de Pollock, en De Kooning, Rothko ou Newman. À l’inverse l’importance de Duchamp n’est saisie que par un très petit nombre et l’histoire de Dada n’est pas véritablement constituée. Ce qui apparaît comme les groupes les plus rénovateurs du moment sont loin de jouir de la reconnaissance : si Johns, Rauschenberg et Twombly pointent à New York, il n’en est pas de même à Paris pour les Nouveaux Réalistes. Or, autour de 1960 apparaissent à la fois les premiers happenings de Kaprow, Vostell, ou Oldenburg, Fluxus, les premières manipulations de Nam June Paik. Aujourd’hui, ces évènements appartiennent au récit « autorisé ». Schématiquement, une époque s’achève, sans que l’on s’en aperçoive ; et une autre commence, que l’on ne sait pas alors définir et que l’on s’efforcera de comprendre et d’analyser. Ces grandes étapes sont précédées d’une première partie qui identifie les nouveaux cadres de fonctionnement de l’art : l’éclatement des pratiques et des critères, la disparition progressive des centres au profit d’une pratique nomade du contact avec l’art, à travers le phénomène des foires ou biennales et celui du poids du marché,