Arrias
Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel, et il se donne
pour tel : Il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle,
à la table d'un grand, d'une cour du Nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce
qu'ils en savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire ; il
discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes : il
récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu'à
éclater. Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui
ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur. « je
n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon,
ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais
familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. » Il reprenait le
fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés
lui dit : « C'est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade.