Anthony, Alexandre Dumas
Antony, entrant - Adèle ! (Avec joie) Ah !
Adèle - Oh ! c'est encore vous !... Vous ici ! dans la maison de mon mari, dans la chambre de ma fille presque !... Ayez donc pitié de moi !... Mes domestiques me respectent et m'honorent encore ; voulez-vous que, demain, je rougisse devant mes domestiques ?...
Antony - Aucun ne m'a vu... Puis il fallait que je te parlasse.
Adèle - Oui, vous avez voulu savoir comment j'avais supporté cette affreuse soirée... Eh bien, je suis calme, je suis tranquille, ne craignez rien... Retirez-vous.
Antony - Oh ! ce n'est pas cela... Ne t'alarme pas de ce que je vais te dire...
Adèle -Parle ! parle ! quoi donc ?
Antony - Il faut me suivre.
Adèle - Vous !... et pourquoi ?
Antony - Pourquoi ? Oh ! mon Dieu ! Pauvre Adèle !... écoute, tu sais si ma vie est à toi, si je t'aime avec délire. Eh bien, par ma vie et mon amour, il faut me suivre... à l'instant.
Adèle - Oh ! mon Dieu ! mais qu'y a-t-il donc ?
Antony - Si je te disais : « Adèle, la maison voisine est en proie aux flammes, les murs sont brûlants, l'escalier chancelle, il faut me suivre... » Eh bien, tu aurais encore plus de temps à perdre. (Il l'entraîne)
Adèle - Oh ! vous ne m'entrainerez pas, Antony ; c'est folie... Grâce, grâce !... oh ! j'appelle, je crie !
Antony, la lâchant - Il faut donc tout te dire, tu le veux : eh bien, du courage, Adèle ! dans une heure, ton mari sera ici.
Adèle - Qu'est-ce que tu dis ?
Antony - Le colonel est au bout de la rue, peut-être.
Adèle - Cela ne se peut pas... Ce n'est pas l'époque de son retour.
Antony - Et si des soupçons le ramènent, si des lettres anonymes ont été écrites !
Adèle - Des soupçons ! oui, oui, c'est cela... Oh ! mais je suis perdue, moi !...
Sauvez-moi, vous... Mais n'avez-vous rien résolu ?... Vous le saviez avant moi, vous aviez le temps de chercher... Moi, moi... vous voyez bien que j'ai la tête renversée.
Antony - Il faut te soustraire