Anthologie
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Joachim Du Bellay 1558
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux :
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine,
Plus mon Loire Gaulois que le Tibre Latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur Angevine.
Voyage asymétrique, Edgar Georges, 2001
La mer est arrivée au pied de ma maison tout était d’un calme absolu plus de rivages, plus de rocs d’acier, plus d’horizon on dirait que le navire a chaviré trop de fois
Je me rappelais de ces marins qui fixent le soleil avant de mourir
Bénédicte disait toujours “qu’un voyage long est un sacrifice”
Alors je me suis rappelé que j’étais immortel
Et perché sur ce nuage je regardais pour la dernière fois le soleil s’éloigner
L’appel du large, Charles Baudelaire, in Les Fleurs du Mal, 1857
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :
Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !
Matin marin, Vespertilion (sans date, époque contemporaine)
Matin marin pars au loin
Cœur éteint,