Travis, get over it
Le plan commence avec une image très inconfortable pour le spectateur car le personnage est installé du côté droit du cadre, on ressent même qu’il est asphyxié par le cadre, et il est de dos au spectateur. Dans cette espèce de recueillement Travis est déformé par son énorme manteau et par ses gestes nerveux, soulignant le malaise qu’a le personnage pour trouver sa place dans le monde et pour établir des rapports avec les personnes.
Ce malaise s’exprime aussi par le décor. Travis tourne le dos à deux téléphones obsolètes qui pourraient très bien évoquer le passé (le premier téléphone pouvant également être associé aux dispositifs de communication des guerres) et dont leurs fils sont visibles et partent vers la gauche du cadre. Travis est dans le troisième téléphone, téléphone dont aucun fil n’est visible (fait qui peut insister sur son incommunication permanente) et le personnage semble pourtant être enchainé et soumis à l’appareil, d’abord par le fait qu’il a la tête baissée et aussi parce qu’il reste très proche de l’appareil malgré ses mouvements et l’espace qu’il y a autour de lui.
Cette soumission est renforcée par la conversation téléphonique. Travis parle avec Betsy et il est dans une évidente position d’infériorité. C’est lui qui la rappelle après leur premier échec, ce qui met déjà en place un rapport entre les personnages. En plus, les hésitations de De Niro, le fait qu’il ne finisse pas ses phrases, le fait qu’il répète les phrases de son interlocuteur, et que la voix du personnage soit la seule chose qu’on écoute pendant la séquence, tout ça tisse devant les yeux du spectateur un monologue de la castration, c’est l’expression d’un nouvel échec (autant émotionnel et social) de Travis qui reste lointain et inexpressif pour un spectateur qui ne peut que témoigner l’errance du personnage.
Pendant que Travis insiste au téléphone, la caméra commence à bouger latéralement, créant une complicité avec le spectateur : le personnage