Étrange gouvernement que celui de la Ve République, vu d’un pays et d’une province étroitement liés à la tradition parlementaire britannique. L’observateur néophyte aurait d’ailleurs bien des difficultés à savoir qui fait quoi au regard de la Constitution d’octobre 1958. Car si au Québec et au Canada le pouvoir exécutif est l’affaire d’un seul homme, le premier ministre, en France l’exécutif est dualiste, c’est-à-dire sous la direction d’un président et d’un premier ministre[1]. Ainsi, à la lecture des titres II et III de la Constitution, le président (art. 5) «assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État» et le gouvernement, sous la direction du premier ministre, «détermine et conduit la politique de la nation» (art. 20 et 21). Par ailleurs, si le président est le chef des armées (art. 15), c’est pourtant le premier ministre qui est «responsable de la défense nationale» (art. 20 et 21) et c’est aussi son gouvernement qui «dispose de la force armée»[2]. Bref, on le voit bien, à l’origine la Constitution de 1958 est génératrice d’ambiguïtés dans le partage des pouvoirs entre le chef de l’État et le chef du gouvernement[3], ambiguïtés d’ailleurs amplifiées par le mode d’élection du président entre 1958 et 1962[4] et par l’orientation «parlementaire» que tenta d’imposer Michel Debré[5], le premier chef du gouvernement de la Ve République. Cependant, devant l’ambiguïté du texte à l’origine, le Général de Gaulle s’efforcera dès 1958 et surtout à partir de 1962 d’imposer sa marque dans la genèse du pouvoir exécutif, prouvant du même souffle que le chef de l’État ne servirait pas simplement à inaugurer les chrysanthèmes[6]. Chose certaine, avec un président élu au suffrage universel doté de prérogatives constitutionnelles importantes et un gouvernement, dirigé par un premier ministre, responsable devant l’Assemblée nationale, la Ve République, c’est là une évidence, est un régime «hybride», un croisement