Voltaire, de l'horrible danger de la lecture
[De son « palais de la stupidité », Joussouf-Cheribi, mouphti du Saint-Empire ottoman, met ses fidèles en garde contre « l’infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées »]
(Apport de la connaissance => négatif) 1. Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.
(Apport de la technologie => négatif) 2. Il est à craindre que, parmi les livres apportés d’Occident, il s’en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu’à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d’âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la sainte doctrine.
(Apport de l'histoire écrite => négatif) 3. Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d’histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.
(Apport de la philosophie => négatif) 4. Il se pourrait, dans la suite des temps, que les misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir connaissance.
(Apport de livres religieux/spirituels => négatif) 5. Ils pourraient, en augmentant le respect qu’ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu’il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de La Mecque, au grand détriment du salut des âmes.
(Apport de la médecine =>