Livres
XV Skandinaviske romanistkongress Oslo 12.-17. august 2002
Dialogisme perpétuel dans Madame Bovary
En 1970, dans la révue Novyj Mir, Mikhaïl Bakhtine formule un aspect fondamental de son concept de dialogisme : L’extra-localité de celui qui comprend, le fait qu’il se retrouve à l’extérieur, dans le temps, dans l’espace, dans la culture par rapport à ce qu’il veut comprendre de façon créatrice, tout cela est de grande importance pour la compréhension. (…) Un sens dévoile ses propres profondeurs s’il rencontre et entre en contact avec un autre sens, un sens d’autrui : entre eux une sorte de dialogue commence, qui dépasse la clôture et le caractère unilatéral de ces sens1. La dernière partie de la citation vaut pour les deux principaux niveaux d’analyse impliqués dans le concept de dialogisme : le niveau d’analyse immanente au texte et celui qui implique une prise en compte du rôle actif du destinataire ou du lecteur. Rappelons l’étymologie grecque de « dialogue », dia- (= partage en deux) et logos, ( = mot, à comprendre ici plus ou moins équivalent de slovo en russe, ou de discours en français moderne). Selon Bakhtine, le discours écrit ou prononcé n’exprime point uniquement la position de son auteur ou locuteur. Le logos est « infecté » par d’autres positions sémantiques que celles de son auteur : il fait partie constituante d’un dialogisme perpétuel. Dans un texte romanesque, il y a dialogisme entre les divers personnages, entre les personnages et l’auteur, et entre les implications intertextuelles diverses du texte ; aussi bien qu’entre le lecteur et le texte. « L’auteur est prisonnier de son époque, de son présent, » dit Bakhtine dans le texte déjà cité, en soulignant la nécessité de distance dans le temps et l’espace par rapport à la position de l’auteur, du lecteur susceptible de « libérer l’auteur » de sa « captivité ». Ces métaphores bakhtiniennes sont en effet assez extraordinaires,